Être la proie et la prédatrice : c’est possible?

Être la proie et la prédatrice : c’est possible?

Être la proie et la prédatrice : c’est possible?

(Le chaperon rouge et le gros méchant loup je veux dire)

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Si tu me suis sur Instagram tu sais peut-être déjà que j'ai des lectures très «légères» (et que par légères j'entends, très engagées, féministes et denses).

Voici d'ailleurs mon top 2 de ces dernières semaines qui a semé l'idée de cet article :

Les filles en série - des Barbies aux Pussyriot (nouvelle édition revue et augmentée) par Martine Delvaux

Women Who Run With the Wolves - Myth and Stories of the Wild Woman Archetype par Clarissa Pinkola Estès, Ph,D.

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Nos histoires partagées

Ce qui me fascine depuis que j'assume pleinement mon féminisme et les lectures qui viennent avec, c'est à quel point les mêmes histoires se répètent - reviennent sur la table.

Les contes de fées 2.0 que je réécris dans mon infolettre, mais aussi toutes les conversations que j'ouvre avec toi sur les différents enjeux d'entreprendre dans un univers encore très patriarcal, sont la trame d'une histoire beaucoup plus grande. Suivent un schéma qui se répète de génération en génération.

Quand je te parle de socialisation de genre, d'obstacles à la vente, de stratégies marketing qui respectent radicalement tes besoins au lieu de rentrer dans le moule, je parle de mon expérience, oui.

Sauf que je me rends surtout compte qu'on les vit toutes ces histoires et que nous sommes plusieurs à prendre la parole pour les dénoncer.

À travers les auteures que je découvre, c'est donc aussi ma propre histoire que j'apprends à comprendre sous des nouveaux angles. C'est pas pour rien qu'on a utilisé les contes et légendes pour la transmission du savoir ancestral et que certaines cultures continuent de le faire.

Mon ahah moment déclenché par Martine et Clarissa

La notion du prédateur qui existe en nous et pas seulement à l'extérieur de nous. Parce que, bien souvent, le grand méchant loup de nos trames narratives, c'est qui ?

Le patriarcat, of course.

(Ou plutôt : l'amoureux contrôlant, l'agresseur déguisé en agneau, le plafond de verre qu'en on intègre le marché du travail, les attentes sexistes de notre société... je continue?)

Aujourd'hui, par contre, j'ai eu envie d'attirer ton attention sur une dimension différente et de laisser l'homme blanc, hétéro cis genre tranquille un peu.

Pas parce que #notallmen, mais parce que je réalise que l'ennemi à combattre ne se trouve pas toujours à l'extérieur de nous. Le prédateur, comme l'explique Clarissa Pinkola Estès, Ph. D., dans «Women Who Run with the Wolves» vit aussi en nous.

Et c'est notre socialisation qui nous le fait manger à petites bouchées depuis la naissance, à un point tel qu'on ne se rappelle même pas l'avoir avalé.

Je la cite :

«This early training to «be nice» causes women to override their intuitions. In that sense they are purposefully taught to submit to the predator. Imagine a wolf mother teaching her young to «be nice» in the face of an angry ferret or a wily diamondback rattler.»

En français :

« Ce conditionnement précoce à «être gentille» pousse les femmes à ignorer leurs intuitions. En ce sens, elles sont délibérément socilalisées à se soumettre au prédateur. Imaginez une louve enseignant à ses petits à «être gentils» face à un furet en colère ou un serpent à sonnette rusé. »

Et après on se demande pourquoi on n'a pas su dire non ou mettre nos limites clairement.

Dans l'image du prédateur, difficile de ne pas voir le grand méchant loup, donc, bien déguisé en mère-grand, qui dévore le chaperon rouge d'une seule bouchée.

Sauf que j'y ai vu aussi l'autosabotage, le syndrome de l'imposteur, la partie sombre de nous qui nous enchaine quand on rêverait de voler.

Pour faire le lien avec le chapitre «Contes de filles» du livre de Martine Delvaux... 

« Les contes de fées le disent : les petites filles doivent être douces et gentilles, passives, soumises, muettes, vouées à l'attente et, surtout, obéissantes.»Les fameuses princesses, victimes, en détresse. Toujours cette trame narrative qui, heureusement, commence à être déconstruite tant dans la littérature que sur nos écrans, mais qui reste en nous également.Dans son livre, Martine soutient la thèse que le chaperon rouge et le gros méchant loup ne sont peut-être que deux facettes d'une même personne. L'opposition des forces qui nous habitent. 

À la fois la belle et la bête, donc.

Et toi, tu te reconnais dans ce contraste? Pour moi il est vibrant de vérité! C'est moi ça : douce et déterminée, prête à aider les autres, mais en respectant mes limites, etc.

Et si le chaperon rouge se laissait dévorer tout entière par une louve à la place? Qu'elle ne faisait plus qu'un avec l'animal? J'avoue que j'y vois quelque chose d'assez magique. Une opportunité pour elle de relâcher sa colère, sa rage, sa vengeance contre un monde qui lui a enseigné dès la naissance à être une bonne petite fille.

Ouf hein! Je voulais rendre cette réflexion la plus digeste possible, pas certaine d'y être parvenue.

Ce que j'ai envie que tu retiennes, c’est qu’on est parfois notre propre obstacle. Pas parce qu’on n'est pas assez bon·nne, mais parce qu’on intègre depuis l’enfance des schémas qui nous maintiennent en captivité. Et que, au final, relâcher la bête captive en nous : apprivoiser notre colère, notre révolte… C’est probablement l’acte de rébellion qui peut avoir l’effet le plus grand dans notre façon d’être en entrepreneuriat : selon nos règles et bien souvent à contre courant.